Dans les années 70, l’adolescent du golfe du Morbihan est entré dans la construction nautique pour partir autour du monde sur un voilier fait de ses mains. Plus de 40 ans plus tard le patron du chantier du Guip, Yann Mauffret n’a toujours pas réalisé son rêve, trop occupé à réaliser ceux de ses clients, des amis.
Yann, en bientôt 45 ans de carrière, quelle votre plus belle réalisation ?
Ce n’est pas possible de répondre à cette question. En tous cas, moi je n’y arrive pas. On ne peut pas comparer un canot de sauvetage avec la restauration Runa IV et Runa VI que j’ai eu la chance de me voir confier.
Un bateau sur l’eau, c’est une aventure humaine et un acte historique. On ne cherche même pas à calculer sa valeur.
Qu’est-ce qu’une une bonne restauration ?
C’est d’abord le respect du bateau avec son histoire. C’est de reconstruire ce qui a été abimé par le temps et l’usage en analysant d’abord la façon dont le constructeur a pensé ses pièces. Ensuite, notre métier est de retrouver le premier geste et le restituer.
Avez-vous du modifier malgré tout une construction qui vous a paru mal pensée au départ ?
Si des bateaux centenaires nous arrivent, c’est qu’ils ont été bien construits. A nous de faire une restauration sérieuse, on ne peut pas tricher avec la sécurité en mer. Quand le bateau traverse un coup de chien, on doit pouvoir se dire qu’on a bien fait notre boulot et que l’on ne retrouvera pas de l’eau au fond de la coque.
Vous vous attachez donc à reconstruire à l’identique ?
Pas complètement. Parfois on double le montage traditionnel avec du matériel moderne comme le collage qui donne plus de rigidité. Et puis les standards de finition sont bien plus élevés aujourd’hui. On est dans le luxe… Et donc moins dans la justesse historique en fait. Sauf pour Marigold qui a gardé toute sa rusticité et cela participe à son charme.
D’où vous vient cette passion pour les yachts ?
J’ai grandi dans le golfe du Morbihan, dans la passion pour la mer et les bateaux. J’ai appris à naviguer sur notre voilier familial : un Moussaillon puis un Muscadet. Mes rêves étaient nourris des aventures de Damien, ce cotre en bois de 10 mètres de Jérôme Poncez et Gérard Janichon et qui parcouru le monde. Je voulais construire le mien et partir moi aussi à travers les océans. Ce n’est toujours pas fait.
Mais vous vous êtes formé à la charpenterie de marine…
J’ai commencé comme apprenti en 1975 au chantier Craff à Bénodet. J’ai fait la petite main sur la construction d’un voilier en bois moulé pour l’architecte naval Gilles Vaton. Je suis arrivé au Guip sur l’Ile aux Moins en 1979 pour construire le premier sinagot pour les éclaireurs de France. Après un tour du monde, cette réplique de langoustier de la fin du XIXème navigue aujourd’hui sous le nom de Babar.
Trois ans après, vous reprenez le chantier. Vous allez vite !
Oui, j’ai repris le chantier avec un associé. Et lorsque la ville de Brest nous a confié la construction de la Recouvrance en 1990, nous avons pris une autre dimension avec ce bâtiment Brestois.
Oui mais vous n’avez pas gagné cet appel d’offre par hasard. Vous vous étiez déjà fait une belle réputation.
Nous avions accompagné le revival du bois et du patrimoine dès les années 80. Nous avons eu cette chance. La restauration de Pen Duick d’Éric Tabarly en 1983 fut un déclencheur des envies du moment. Nous avons vu arriver de nouveaux passionnés prêts à mettre de l’argent dans des bateaux anciens. Des 8 m JI, on est passé aux auriques. L’envie était d’apprendre à naviguer autrement. Le point d’orgue pour notre chantier a été la restauration de Vanity V.