Dans un livre Yachting Classique, en coédition avec Solar, l’auteur François Le Brun (collaborateur de Yachting Classique) nous offre un siècle de voiliers de légende à moins qu’il ne s’agisse de légendes sur des voiliers. Des héroïques comme Velsheda , Oracle, au romanesque comme l’Askoï II de Jacques Bel ou le pionnier Josuha en passant par les purs sang comme Atlantic ou le malheureux dernier bateaux volant, le foiler blessé Banque Populaire.
Il fut aussi un certain Pen Duick IV devenu Manureva qui avant de disparaître dans la première Route du Rhum en 1978 avec son skipper Alain Colas. L’auteur revient et qui nous rappelle à quel point ce drôle d’oiseau fut en avance sur son temps. Extraits du livre Voiliers -Les Légendes du Siècle.
Voiliers -Les Légendes du Siècle: Pen Duick IV Où es-tu Manureva ?
Pen Duick IV était un voilier de légende. Rebaptisé Manureva, il est devenu légende à part entière. Et même une légende urbaine, puisque c’est ainsi que sont désormais désignées les rumeurs de café du commerce et autres fake news.
En la matière, c’est peu dire qu’Alain Colas aura inspiré les Français. Serge Gainsbourg l’avait bien compris. Dans la chanson écrite pour Alain Chamfort, il posait la question qui hanta des milliers d’adultes pourtant a priori pétris de bon sens. « Où es-tu, Manu Manuréva? Bateau fantôme toi qui rêvas Des îles et qui jamais n’arriva ».
Lors de la première édition de la route du Rhum, en 1978, quantité de nos concitoyens refusèrent de croire à la disparition du navigateur. Ils étaient persuadés qu’elle dissimulait une fuite organisée : le marin surendetté aurait en réalité mis le cap sur une île fiscalement accueillante. Au beau milieu de l’Atlantique ? Tiens donc, un atoll sauvage passé à travers les mailles des cartographes, des explorateurs et des satellites… Mais un archipel accueillant tout de même, où l’on peut siroter des Piña Colada sans crainte de se faire rattraper par la patrouille des inspecteurs des impôts!
Voiliers -Les Légendes du Siècle: Le style Alain Colas
Il est vrai que l’on ne prête qu’aux riches. Alain Colas avait inventé un style de communication qui n’appartenait qu’à lui. Il n’avait pas son pareil pour se faire le chroniqueur de sa propre vie. Il faut dire que celle-ci fut toujours hors du commun. Il avait apporté du rêve grâce à ses victoires et ses records ; du cauchemar quand son pied s’était retrouvé enserré dans le cordage d’une ancre pesante ; de l’anxiété quand il se mit à courir contre la montre pour éviter l’amputation, et préparer en même temps son énorme monocoque Club Méditerranée ; de l’incrédulité au moment de la première transat française, entre Saint-Malo et Pointe à Pitre, quand il donna des positions de leader, alors que ni le cavalier ni sa monture n’étaient en situation d’accomplir de tels exploits ; de la perplexité quand il cessa d’émettre sa chronique quotidienne sur RMC. …/…
Voiliers -Les Légendes du Siècle Tabarly, Colas et Kersauzon
Et pourtant, quel potentiel, quel itinéraire que cet homme et ce bateau. En définitive, seuls trois hommes pouvaient vraiment parler de Pen Duick IV : Eric Tabarly, Alain Colas et Olivier de Kersauzon. Ils sont les seuls à avoir autant navigué à son bord. Seul le troisième est encore des nôtres pour narrer cette cavalcade sur les vagues de tous les océans. Seul avec Alain Colas, ou à trois, en compagnie d’Eric, Olivier a pratiquement accompli à son bord un tour du monde, émaillé de records de vitesse pulvérisés.
Tout cela remonte maintenant à un demi-siècle. Il ne serait pas opportun de chercher une comparaison avec les multi actuels. En revanche, il convient de souligner à quel point Tabarly, notre grand marin national, écrivait alors une page pratiquement blanche. Certes, les Anglais avaient déjà pondu quelques initiatives en matière de catas ou de trimarans. C’est à bord de l’un d’eux, d’ailleurs, qu’Eric avait eu la révélation du multicoque hauturier. Il naviguait à bord de Toria, en compagnie de l’architecte Derek Kelsall. Il a découvert alors le potentiel de vitesse, par rapport à n’importe quel monocoque, mais aussi la facilité de manœuvre en solitaire. …/…
Voiliers -Les Légendes du Siècle: Penduick IV l’enfant de Mai 68
Tout au long de sa carrière exemplaire, Eric aura beaucoup contribué à faire évoluer la voile, mais jamais autant que sur ce projet. Pen Duick IV est un enfant de mai 68. Cela sera sa chance et son malheur. Sa chance, parce que l’air du temps se prête à la contestation. Comme dans la société civile, l’homme et le bateau vont démontrer que cela vaut la peine de renverser la table du moment que cela fait avancer le monde. De fait, dès les premiers bords, le trimaran atteint aisément des pointes de 18 nœuds. Pour mémoire, c’est juste le triple de vitesse de la plupart des monocoques de l’époque. En tout cas, c’est le double de Pen Duick III. Voilà pour le bon côté de la révolution. …/ …
Voiliers -Les Légendes du Siècle: Colas la disparition
Pour l’édition suivante de la Transat, celle de 1976, Colas opte pour le monocoque géant Club Méditerranée (72 m) et doit s’incliner devant Eric Tabarly qui a mené seul Pen Duick VI, initialement prévu pour seize équipiers.
Deux années plus tard, alors que les anglais ont limité la taille des concurrents à 60 pieds (18,28 mètres) pour leur Transat, le Français Michel Etevenon invente la Route du Rhum. Alain Colas est au départ de Saint Malo sur Manureva. On connaît la suite, et malheureusement la fin.
Fiche Technique Manureva
Trimaran gréé en Ketch
Naissance : 1968
Chantier : La perrière (Lorient)
Architecte : André Allègre
Matériau : Aluminium
Longueur de coque : 19, 50 m
Largeur : 11 m
Tirant d’eau : 2, 40 m
Voilure : 107 m2 au près, 210 au portant
Déplacement : 6, 6 tonnes
Voiliers -Les Légendes du Siècle
192 pages
SOLAR Editions/YACHTING Classique
35 €