TECHNIQUE REGATE – Dans cette rubrique, YACHTING Classique vous faire découvrir les hommes qui font naviguer les yachts d’exception. Si le savoir-faire de la course est omniprésent, il s’agit ici de s’adapter à des unités souvent plus lourdes et aménagées. Poste passé en revue, le régleur de génois. Texte: Emmanuel Van Deth-Photos: YACHTING Classique et DR.
On pourrait penser que le bon régleur de génois reste rivé aux penons de sa voile d’avant, une main sur l’écoute. Pas faux, mais pour commencer, ils sont le plus souvent deux! Le régleur 1 est à tribord, le régleur 2 à bâbord. Avant de scruter sa voile, le régleur a une lourde responsabilité avant d’embarquer; il est chargé, en concertation avec le tacticien, de l’embarquement des voiles à bord. Car contrairement aux voiliers de course au large qui disposent de leur garde-robe complète, les voiliers de course -croisière comme les lourds yachts classiques, dont les emménagements sont conçus pour une vie agréable à bord, s’accommodent difficilement de sacs bananes de toutes longueurs. Et quant à les stocker sur le pont… encombrant et pas très esthétiques. Le régleur, en fonction des conditions météo du jour, choisit donc les voiles qui seront utilisées. Il connaît donc parfaitement la garde-robe du bateau et le range d’utilisation de chaque voile. Les régleurs sont également chargés du contrôle de l’accastillage et des tous les éléments soumis à de fortes charges – pouliage de bastaques, winches, bloqueurs, poulies de retour génois, traveller etc.
COMPÉTENCES SUPERIEURES AU SIMPLE EMBRAQUEUR
Nous voilà sur l’eau. A bord de nombreux voiliers, les régleurs 1 et 2 se cantonnent à gérer leur job sur leur bord dédié. Mais pas toujours. Certains régleurs sont un peu «chouchoutés»; on les gratifie par exemple du réglage de la voile (génois et écoute de spi) sur les deux bords. Dans ce cas, on adopte une configuration régleur/embraqueur; ce dernier opère principalement au vent – réglage du bras de spi, reprise du mou de l’écoute de génois lors des virements, préréglage au près. On l’aura compris, en creux, on considère les compétences du régleur supérieures à celles de l’embraqueur. L’évolution logique de l’embraqueur est d’ailleurs de devenir… régleur! A bord de certains voiliers, ces configurations régleur 1/régleur 2 ou régleur/embraqueur ne sont pas figées. Alain et Gilles Minos, propriétaires du 8 MJI Cutty Tou, adoptent suivant l’équipage du jour le tandem gagnant…
DU MUSCLE MAIS PAS SEULEMENT
Qui sont les régleurs des yachts classiques et des prestigieux voiliers? « Ils sont souvent issus du milieu de la course au large ou de l’olympisme, explique Pierre Simon, un ancien de la Louis Vuitton Cup. Leur profil ? «Physique mais précis aussi, donc pas forcément une mule! Le régleur a souvent travaillé en voilerie, il sait travailler un vrillage de voile ». Et sur le pont, comment ça se passe? «Le régleur est toujours sous le vent, en tous cas dans la brise, poursuit Pierre. Et la main sur l’écoute. Sur les voiliers bas de franc-bord avec génois à grand recouvrement, la vague court dans la voile, on est trempés ». Par bonne brise, une combinaison sèche peut être utile. A ce poste, pas de gros risques de passer par-dessus bord, on reste dans le cockpit ou à cheval sur l’hiloire. En revanche, le danger, c’est de passer un doigt dans la poupée de winch ou une poulie. « A bord d’un voilier de 20 tonnes, c’est 17 à 18 tonnes de pression sur l’écoute de génois. Donc on démarre avec trois tours au winch pour passer ensuite quelques tours supplémentaires pour finir avec une poupée chargée. Pour choquer, on sort un ou deux tours – suivant l’état de la mer. Une main sur la poupée pour le contrôle du choqué, une autre sur l’écoute. D’où la nécessité de porter des gants – même si dans les conditions légères les sensations mains nues sont meilleures. »
QUATRE RÉGLEURS SUR MOONBEAM IV
Sur certains voiliers classiques avec plusieurs voiles d’avant, on peut recourir à plusieurs paires de régleurs, à fortiori si les winches sont absents du plan de pont. «A bord de Moonbeam IV, explique Mikael Cléac’h, son Capitaine, nous sommes quatre régleurs pour reprendre une écoute au palan, puis au palan fin avant de bloquer le réglage au taquet. Il y trois kilomètres de bouts à bord… A chaque virement de bord, toutes les écoutes claquent, on se baisse…, l’écoute de clin foc, mal reprise, peut fouetter sur une dizaine de mètres, soit tout le centre du bateau. D’où la nécessité de border au plus vite!»
Le régleur est bien sûr en communication perpétuelle avec d’autres membres de l’équipage. Il annonce au barreur les bateaux sous le vent. Il peut également observer les tendances – adonnantes, refusantes. Au contact, il annonce son réglage – « maxi bordé », « maxi choqué » – afin que la cellule arrière puisse réagir aux attaques. Le régleur informe également de la pression de son écoute – particulièrement celle de spi quand le barreur tente de descendre proche de la fausse panne. Le performer, quant à lui, annonce au régleur les risées à venir et la vitesse cible. Un dialogue permanent s’instaure donc entre régleur, barreur et performer. Mais c’est bien le régleur qui dispose de la pédale d’accélérateur.