Samedi 3 décembre 2016 à 18 Heure, au Salon Nautique de Paris , Franck Roy s’est vu remettre par le Trophée YACHTING ClASSIQUE du Yachtman de l’année des mains du jury du magazine représenté par Francois Lebrun. Par Francois Lebrun
Franck Roy entouré de ses clients , devenus amis s’est déclaré ému et surpris.
Qui suis , avec mon petit chantier pour mériter cela ?
Chez Franck Roy, constructeur des Loup, Morgann, Joly Morgann, Solenn… chaque client est devenu un ami, à la façon Montaigne et La Boétie. Son vrai salaire, Franck a pris l’habitude de le percevoir ainsi : c’est quand vient le moment de livrer le bateau à son propriétaire, et qu’il voit couler une larme dans les yeux de ce dernier. Cette émotion est l’aboutissement de tout ce qu’il a donné, lui et ses compagnons.
Franck Roy, Yachtman de l’année Yachting Classique : du cœur dans chacune de ses productions
A chaque commande, son organisme reproduit les mêmes symptômes : le doute le ronge, son stress de perfectionniste lui vole son sommeil. La remise en cause est permanente, comme chez les grands comédiens qui, chaque soir, ont l’impression d’entrer pour la première fois sur scène. Lui, en vieux motard adepte du trial, il lui vient plutôt la comparaison de la ligne de départ de chaque nouvelle course, à chaque fois différente des précédentes. En dépit de l’expérience, rien n’est jamais acquis. Tout peut arriver.
Alors, pour éloigner le risque d’échec, ou simplement l’éventualité de la performance banale, il se donne à chaque fois en entier, à fond. Et cette générosité se voit, même au-delà du regard. Une actrice célèbre lui a, un jour, acheté un Loup pendant le Nautic. Elle avait visité tous les stands. Elle est revenue sur celui des constructions Franck Roy parce qu’elle avait été sensible aux finitions. Mais le passage à l’acte d’achat lui a été dicté par la sensation très nette qu’au-delà du savoir-faire technique, il y avait du cœur dans le modèle qui était exposé.
De même, un riche industriel a un jour passé commande d’un Solenn 32 parce que, depuis son bateau classique, à La Trinité, il observait la manœuvre de mise à l’eau de ce type de modèle.
Franck était en train de le livrer à l’un de ses clients, autrement dit, à l’un de ses amis. Au-delà du ravissement procuré par le spectacle aérien des formes, le milliardaire avait été touché par l’attachement de l’homme à son travail. Comme il œuvrait dans l’univers du luxe, il savait la valeur que cela représente chez un artisan.
Chez Franck Roy, pas de hiérarchie sociale tant que le courant passe
L’énumération de la liste des clients illustres de Franck finirait par concurrencer les rubriques « carnet » de « Gala » et des « Echos ». On y trouve des stars de cinéma (« Amélie Poulain » ou « Les Visiteurs »), des capitaines d’industrie, de grands professeurs de médecine, des pilotes de ligne.
Mais l’exercice de « name dropping » aboutirait à un contresens, car dans son amour des gens, le charpentier ne pratique aucune hiérarchie sociale. Quand le courant passe, il s’engage, fidèle à la valeur de la sincérité. C’est un héritage de sa grand-mère, épicière, qui lui avait très tôt enseigné que « la parole vaut l’homme, ou alors l’homme ne vaut rien ». Depuis, Franck « marche au feeling ». Quitte à ce que le cerveau émotionnel prenne parfois le dessus. L’intéressé s’en excuserait presque.
Mais si c’était là au contraire sa force ? N’est-ce pas grâce à son intuition surdéveloppée qu’il sent des tendances que les autres ne voient pas ?
Certaines séries séduisent moins, explique-t-il. Il faut savoir formaliser ce que désirent les nouvelles générations.
C’est pourquoi il peaufine actuellement les lignes d’un scow.
Il a senti les signaux faibles du marché. Dès lors, il s’est comporté avec ses clients, actuels et futurs, comme il le ferait avec son meilleur ami : il n’a eu de cesse de les combler, au besoin, en devançant leurs attentes. Franck travaille de cette manière depuis les débuts de son aventure à la tête de son chantier, voici déjà 18 ans. Mais ce faisant, il applique, probablement sans le savoir, la méthode gagnante des géants de la Silicon Valley, celle qui a fait naître Google, Netflix ou Huber, et qui, au-delà de la maîtrise d’une plate-forme numérique, consiste à apporter une réponse parfaite, dès lors qu’un besoin est identifié.
Le jour de notre appel téléphonique, ses compagnons et lui venaient de finir de poncer la coque du nouveau 13 mètres. Le matin, le patron avait fait un détour par les meilleurs traiteurs de la place pour acheter force magrets de canards et bons vins. Les succès, ça se gagne en équipe, ça se fête en équipe.
L’armée du Roy se tient prête
L’humain, toujours l’humain ! Il se traduit aussi dans l’explication de l’environnement. Un plan de commandes pour tenir 13 mois venait de s’achever ces dernières semaines. Mais depuis 13 mois, aucune commande ferme n’avait été engrangée. Le réveil s’opère à nouveau, mais timidement, tant les incertitudes politiques font hésiter les éventuels donneurs d’ordres. Dire à chacun ce que l’on va faire, et faire ce que l’on a dit, c’est aussi contribuer à créer le meilleur climat pour travailler dans la qualité. Mais cela ne met pas à l’abri d’un revers de conjoncture. Heureusement, Franck s’est enrichi de tant d’amis solides que s’il lui arrivait un coup dur économique, il verrait se lever une armée prête à se battre pour son…Roy.
Les Trophées Yachting Classique 2016 du Yachtman et du Yacht de l’année.
Comme les autres années, le jury était composé de la dream team de passionnés qui s’ingénient à sortir chaque trimestre votre revue préférée : Jacques Taglang, le puits de science et d’histoire ; François Chevalier, qui allie la rigueur de l’architecte naval à sa créativité artistique de dessinateur ; Emmanuel van Deth, qui a barré tout ce que la production nautique française a fait de meilleur ; Emmanuel Charras et Nicolas Langlois, aussi fondus de beaux magazines que de beaux voiliers ; et François Le Brun, l’amateur de belles courbes et l’auteur de ces lignes.
Comme les autres années, les uns et les autres auraient pu s’écharper sur la présence de tel nominé, jugé tantôt incongru, ou à l’inverse, l’absence de tel autre, décrété indispensable. Au contraire, chacun s’est enthousiasmé de la présence de Rémy Gérin, Franck Roy, Thierry Verneuil et Christian Niels. Tous ont applaudi à la régate virtuelle entre Mariska, Magic Carpet IV, le code #, France 1 et l’Armagnac.
Et que croyez-vous qu’il arriva ? Dans les deux catégories, c’est le petit, l’humble qui l’a emporté : Franck Roy, fondateur des chantiers du même nom pour la catégorie yachtman… et l’Armagnac pour le yacht, si tant est que ce mot puisse désigner notre mythique croiseur à bouchains.
Franck Roy parmi les hommes…
Pourtant, tout le monde a eu sa chance. Rémy Gérin était l’élu de Jacques Taglang. Il est vrai qu’ils ont en commun de s’être challengés sur la Transat classique 2015. Armateur de Mariska, Christian Niels était le candidat de François Chevalier, qui souhaitait ainsi rendre hommage à ses talents de sportif, de meneur d’hommes et de gestionnaire de projets. Quand il a commencé à fréquenter le circuit des Classiques en Méditerranée, il a subi plus de sarcasmes que « le Lyonnais » Monsieur Brun dans la trilogie marseillaise de Pagnol. Son quinze mJI n’entrait pas dans la jauge des puristes.
Qu’à cela ne tienne, l’homme d’affaires a poursuivi le cap qu’il s’était fixé. De fait, quel autre armateur pourrait s’enorgueillir de faire naviguer à son bord des pedigrees aussi singuliers que Sébastien Audigane, Philippe Durr, le dessinateur Marc PG Berthier, Marie Tabarly, Alain Gautier ou Ernesto Bertarelli ?
Thierry Verneuil, pour sa part, a réveillé d’agréables souvenirs chez les uns et les autres. Son patronyme évoque les voiles de dériveurs au début des années 60. Son action pour la renaissance de France 1 a ravivé les seventies, tandis que ses fonctions actuelles en font un homme incontournable dans notre univers marin. Président de la Fédération des Industries nautiques, PDG de Bic Sport, Président du Medef 56, Président du conseil d’administration de l’école nationale de voile. Pour le plus grand bonheur des amateurs de Belle Plaisance et des passionnés de l’aventure française dans la Coupe de l’America, le manager a mis ses talents au service de la seconde vie du 12 Metre.
Cependant, en définitive, celui qui a rallié tous les suffrages, pour l’ensemble de son œuvre, reste le constructeur de bateaux Franck Roy, sans qui notre passion serait amputée de merveilles dénommées Jolie Morgann et autres Solenn .