Sous le soleil des Caraïbes, les voiles blanches des canots saintois racontent encore une histoire vieille de trois siècles. Nés pour la pêche, devenus symboles identitaires et objets de course, ces bateaux traditionnels survivent grâce à quelques chantiers et à la ferveur du Traditour, grande fête de la voile en Guadeloupe. Texte et Photos : Albert Brel

Début juillet 2025. Sur la ligne de départ, ils sont trente-neuf à hisser leurs voiles sous le soleil éclatant des Caraïbes. Cette année, le Traditour a pris un tournant inédit: pour la première fois, la grande régate de bateaux traditionnels part de la Dominique, avant de serpenter d’île en île. Une ode à la mer, une célébration des gestes anciens.
Parmi ces silhouettes fières, une embarcation attire toujours les regards : le canot saintois.
Né au XVIIIᵉ siècle de la main de charpentiers de marine bretons venus s’établir aux Saintes, ce canot fut longtemps l’outil quotidien des pêcheurs. Sa coque élancée fendait les vagues à la recherche de dorades, de marlins ou de thons. Mais le temps a passé. La rudesse de ces engins de travail vites risés avec l’avènement des moteurs. La voile a dû céder sa place à la vitesse et au rendement des moteurs deux temps et quatre temps, pour le plus grand soulagement des travailleurs de la mer. «Et puis, la pêche que nous pratiquons se déroule à plus de cinquante milles des côtes, comme le souligne Patrick Nisis, pêcheur de Deshaies . Pour ramener 400 ou 500 kilos de poissons, il faut aller vite, et cela n’est plus possible avec un canot à voile.»
Alors, le canot saintois a changé de destin. D’outil de travail, il est devenu, magie de la mémoire sélective de l’être humain, patrimoine, doux symbole, formidable engin de course, de jeux où souffle encore l’esprit des anciens.

Mais pour que ces voiles continuent de se dresser dans le vent, il faut des mains pour construire et entretenir ces bateaux. Aujourd’hui, seuls deux chantiers perpétuent ce savoir: celui d’Alain Foy aux Saintes, et celui de Jean Forbin. Dans son atelier chauffé au soleil, au milieu des odeurs de bois et de colle, Alain Foy raconte son parcours: «Mon père a créé ce chantier en 1976. Moi, j’ai découvert le canot saintois au début des années 2000, à l’époque du Tour de Guadeloupe en Voile Traditionnelle. Entre 2000 et 2012, nous avons lancé plus de soixante canots à l’eau. Mais depuis, la demande s’est raréfiée. Aujourd’hui, on construit parfois un seul bateau par an. Heureusement, l’entretien et les réparations nous maintiennent à flot. »
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