Eilean, ketch de 1936 entièrement restauré par il y a 5 ans par l’ horloger italien Panerai qui en a fait son navire ambassadeur, et Latifa, construite la même année par le même architecte naval William Fife III, se sont retrouvées dans les eaux jouxtant les îles d’Elbe et de Capraia pour se livrer un duel épique, dont Latifa est finalement ressortie vainqueur.
Trente six mille. Le yawl bermudien, dirigé par Mario Pirri, avait lancé un défi au Directeur général de Panerai Angelo Bonati il y a quelques mois pendant le Panerai Classic Yachts Challenge, circuit international de référence pour les voiles classiques et d’époque, qui s’est conclu récemment à l’occasion des Régates Royales de Cannes. Les règles étaient simples : en partant de la Marciana Marina sur l’île d’Elbe, les deux rivaux devaient rallier l’île de Capraia puis revenir au point de départ, couvrant ainsi une distance de 36 milles. Le vainqueur serait simplement le bateau qui franchirait en premier la ligne d’arrivée, sans tenir compte des handicaps liés aux certifications qui sont normalement appliqués lors des régates classiques. Les deux embarcations devaient également comporter le même nombre d’équipiers et être skippées par leurs propriétaires.
Les duellistes se sont retrouvés sur la jetée du Cercle de voile de la Marciana Marina. Les skippers ont ensuite joué à pile ou face pour savoir qui aurait le privilège de naviguer au près. C’est Eilean qui a remporté le tirage au sort. Après une franche poignée de mains entre les deux skippers, les deux voiliers sont partis sous une météo radieuse, avec une température de plus de 20 degrés, une visibilité excellente, aucune perturbation en vue et juste une légère brise de nord-est.
Une fois quitté le port et hissé la grand-voile, Latifa et Eilean ont entamé le ballet des virements et des empannages caractéristiques des manœuvres d’approche précédant le signal de départ. À 10h25, sous un vent d’environ 8 nœuds, les deux voiliers se sont positionnés côte à côte et ont proclamé le départ de la course. Eilean et Latifa comptaient chacune en leur rang des navigateurs venus d’Italie et de l’étranger, des courtiers maritimes, des propriétaires de voiliers classiques et des spécialistes de l’équipement naval. Les manœuvres d’Eilean étaient coordonnées par le capitaine Andrew Cully et par Mauro Patruno, maître d’équipage de la Marine Italienne doté d’une riche expérience en régates classiques et auteur d’un tour du monde à bord du voilier Orsa Maggiore, consacré à la formation des élèves officiers de la Marine Italienne.
Mauvais choix. Dès le départ de la course, l’équipage d’Eilean mettait tout en œuvre pour accélérer, hissant le foc d’artimon et le gennaker pour atteindre 6 nœuds, reléguant Latifa dans son sillage. Mais entre la fin de matinée et le début d’après-midi, Latifa avait comblé en bonne partie cet écart, sa position désormais sous le vent par rapport à Eilean, tout en restant plus près des côtes de Capraia. Vers 14h, Latifa profitait d’une brise de mer pour atteindre la marque, un point GPS situé à proximité de la Puntadel Ferraione, devant Eilean, amorçant ainsi son retour vers la Marciana Marina. Eilean, qui n’avait pas empanné à la même marque, a mis alors une demi-heure à retrouver le sillage de Latifa.
Plus léger. Le voilier Panerai a grignoté son retard petit à petit jusqu’à se rapprocher tout près de la poupe rivale. Mais après cinq heures de course, Latifa trouvait l’allure idéale pour creuser à nouveau son avance. Sous la brise légère, le déplacement plus léger de Latifa (40 tonnes contre 50 pour Eilean), son rouf plus petit et plus aérodynamique ainsi que sa coque mieux entretenue (Eilean avait déjà parcouru 2 500 milles au cours de la saison) ont fait la différence. À 15h50, alors qu’il restait 16,5 milles pour rallier la Marciana Marina, Eilean réalisait qu’il serait impossible de continuer sous voile vu la quasi absence de vent. Le propriétaire a alors informé officiellement Latifa qu’Eilean abandonnait la course et reconnaissait sa défaite. Lucide et beau joueur.