Pourquoi continuer à écrire sur des voiliers qui ont parfois plus d’un siècle, sur des architectes dont les noms semblent sortis d’un roman victorien, ou sur des canots de pêche qui filent toujours sous les alizés? À la rédaction de YACHTING Classique , on pourrait se contenter de belles photos et de quelques fiches techniques. Mais ce qui nous fait vraiment lever la tête de nos claviers, c’est de raconter des histoires. Prenez « Enchantement », par exemple que nous présentons dans YACHTING Classique 105, un 8 mètres signé Johan Anker en 1923, cabossé par les régates, démâté en pleine sélection olympique, puis ressuscité pour naviguer encore aujourd’hui. Voilà un bateau qui a plus de vies qu’un chat, et qui rappelle qu’un plan réussi traverse le temps mieux que bien des modes.
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Même chose pour « Apache », revenu d’entre les morts grâce à la ténacité d’un propriétaire, au coup de main d’artisans passionnés autant que surdoués et à quelques archives grattées ici ou là. On pourrait dire que c’est de la restauration navale ; nous, on préfère parler de passion d’artistes.
Et puis il y a les figures comme Ben Nicholson. Visionnaire, paternaliste, stratège un peu roublard… bref, un personnage haut en couleur qui incarne les grandeurs et les doutes d’une industrie en pleine mutation et dont on profite encore aujourd’hui de merveilles flottantes
Mais le yachting ne se résume pas aux grands chantiers ni aux yachts prestigieux. Sous le soleil des Antilles, les canots saintois continuent de faire vibrer des villages entiers. Ces embarcations nées pour la pêche sont devenues des symboles identitaires, et chaque année, le Traditour est un concentré de ferveur populaire comme on en voit rarement dans le monde maritime. Avouons-le, on a beau être émus par un Fife centenaire, voir une flottille de canots colorés s’élancer sous les cris du public a quelque chose d’irrésistible.
Et quand on parle de la Coupe de l’America, on le fait parce que ce théâtre géant continue de dicter une partie de l’avenir de la voile – et, souvent, les classiques de demain. Cette coupe a engendré dans son sillage tant de bateaux d’exception qu’on ne peut rester indifférents à son évolution. La prochaine édition promet des règles nouvelles, des budgets serrés, des équipages remodelés. De quoi donner une chance aux Français? On ne s’emballe pas trop vite… mais on a envie d’y croire.
Enfin, il y a ces raretés comme la Sonderklasse, qui réapparaissent soudain à Saint-Tropez ou dans le Golfe du Morbihan. Des bateaux que l’on croyait disparus (ou dont on ignorait parfois même l’existence, soyons honnêtes). Et là encore, impossible de résister: on enquête, on raconte.
Alors oui, parfois, on se dit que nous passons beaucoup de temps à parler de bouts de bois et de bouts de toile, quand le monde semble basculer vers ce qui a fait l’horreur du début du siècle dernier. Mais c’est notre façon de résister: continuer à créer du rêve, à transmettre, à cultiver notre humanité. À notre place.


