Saint-Tropez a vu passer nombre de stars, starlettes du cinéma, de la chanson ou de la télé. Beaucoup moins éphémères sont les bateaux ayant marqué l’histoire ce petit port de pêche. Il est devenu au fil des ans et grâce à la Nioulargue puis les Voiles de Saint-Tropez, le théâtre du plus grand rassemblement de voiliers d’exception, qu’ils soient classiques d’aujourd’hui ou classiques de demain, sans doute. Voici, selon un choix tout à fait personnel notre sélection souvenirs de l’année. Texte et plans François Chevalier. Photos : Gilles Martin-Raget, YACHTING Classique et DR.
Endeavour, un si parfait J class
En 1934, Nathanael Greene Herreshoff, alors âgé de 86 ans, examine le Class J Endeavour I au chantier de Bristol, il s’exclame : «Un bateau parfait. Je ne peux y trouver la moindre erreur. Notre Cup n’a jamais été en si grand danger!». Son concepteur, l’anglais Charles E. Nicholson apprécie le compliment du «Sorcier de Bristol». Quelques semaines plus tard, les faits allaient donner raison au vénérable maître. Le challenger affichait un potentiel de vitesse très supérieur au defender, Rainbow conçu par William S.Burgess.
Menant par deux victoires, Endeavour, barré par son propriétaire T.O.M. Sopwith, était en passe de remporter la troisième manche et l’America’s Cup– il affichait à mi-parcours 6 minutes et 39 secondes d’avance sur Rainbow. Cependant, Mike Vanderbilt demande à Sherman Hoyt de pendre la barre. Connaissant les réactions de Sopwith qui avait tendance à couvrir son adversaire, Hoyt lofe au-delà de sa route normale alors que le vent faiblissait. Sopwith réagit immédiatement en virant de bord pour se placer au vent de l’Américain mais ce dernier abat pour faire une route directe vers la ligne. S’apercevant de son erreur, l’Anglais change à nouveau de bord. Trop tard, Hoyt se trouve alors en position favorable sous le vent d’Endeavour qui doit virer pour se dégager. Quand enfin Sopwith vire une dernière fois pour faire cap vers la ligne, il est distancé. Rainbow l’emporte avec 3 minutes et 26 secondes d’avance sur Endeavour… Manœuvrer ainsi à quatre reprises un mastodonte de près de 140 tonnes a été fatal aux Anglais. Ce premier coup porté au moral de Sopwith ajouté au rejet de sa réclamation suite à un refus de lof discutable de Vanderbilt de la manche suivante explique en grande partie l’échec du défi anglais de 1934.
Ressuscité par Elizabeth Meyer pendant cinq ans, le «J» est remis à l’eau au chantier hollandais Royal Huisman le 22 juin 1989, après 52 ans d’inaction. L’architecte Gerry Dykstra qui travaille avec le chantier depuis 1979, a conçu un plan de pont relativement moderne, avec une myriade de winches rutilants. En 2000, le voilier est vendu à Denis Kozlowski, qui le conserve six ans. Son nouvel armateur, Cassio Antunes, lui a offert une restauration en profondeur en 2011. Si Endeavour a retrouvé un aspect plus conforme au voilier mis à l’eau en 1934, il n’a plus les mêmes caractéristiques, Plus long, un mètre vingt de longueur de flottaison en plus, son tirant d’eau est augmenté de 20 centimètres, et 35 tonnes ont été ajoutées à son déplacement. Cependant, personne ne reste insensible à cette impression de perfection qui se dégage de cet exceptionnel Class J, qui a servi de modèle aux architectes américaines pour concevoir le super J Ranger en 1937.
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