Quand on cesse de regarder les plus gros bateaux de la flotte, on découvre des bijoux sur l’eau. Comme ce « Sunbeam », à la silhouette anodine mais à l’histoire riche de plus de régates que tous les autres voiliers de Saint-Tropez réunis. Par Bruno Troublé
Voici des années que je participe aux Voiles de Saint-Tropez et à sa grande soeur : la Nioulargue. J’y ai vu les plus beaux bateaux du monde, les plus originaux, les plus grands voiliers classiques ou modernes. Le regard, saoulé, ne parvient même pas à rester en place sur l’un d’eux. On ne sait plus quoi regarder. Tant de détails sautent aux yeux.
Quelle énorme surprise cette année de constater qu’il ne fallait pas seulement regarder les plus “gros”.
C’est Francis Van de Velde, grand passionné de bateaux classiques, qui a orienté mon regard perdu vers ce petit voilier anglais amarré très anonymement en double ou en triple, au petit quai, au centre du port lors de la première semaine réservée aux bateaux classiques.
Il y a là aussi quelques bateaux jugés trop petits pour avoir droit au glorieux et réconfortant “cul à quai”. Par exemple ce beau R boat américain Aloha sur lequel il dispute les Voiles, le Jap d’Harold Cudmore et deux beaux 8mji.
Francis m’a conseillé de m’intéresser à ce voilier anodin et ça en vaut la peine.
Ah bon? Mais que fait-il donc là ce bateau qui ressemble plus à un Tofinou de 7 m, voire un vieux Dragon, au milieu de cette flotte de Seigneurs? Francis m’a expliqué qu’il allait participer à la fameuse course des centenaires du Gstaad Yacht Club.
C’est là que mon enquête a commencé.
Dainty : soixante régates par an
Dainty (le délicat, le précieux en anglais…) est le premier exemplaire de la classe des Solent Sunbeams née en 1922, il a 100 ans cette année. Il est donc éligible pour le “Centenary Trophy” du Gstaad YC, l’une des régates essentielles de la première semaine aux Voiles.
Parti loin devant les bateaux les plus gros et les plus rapides avec son rating dérisoire, il est parvenu à rester dans le groupe de tête pour terminer finalement dans le premier tiers de la flotte.
L’histoire ne s’arrête pas là ! Pour en savoir plus, je suis allé prendre un verre avec le propriétaire : Peter Nicholson.
J’étais, bien entendu, impressionné de rencontrer “un” Nicholson. Mais si ! Vous savez, cette famille anglaise si célèbre pour son chantier naval et ses marins talentueux. Las… Ce Peter ne fait pas partie de la dynastie : Nicholson en Angleterre c’est comme Dupont en France! N’empêche, j’ai rencontré un homme de mon âge (avancé!). Il m’a captivé par son humour, son histoire et celle de son bateau.
Il a acheté le bateau à l’âge de 19 ans, il y a 50 ans, à la fin des années 60. Dainty avait déjà un long palmarès et courrait toutes les régates dans le Solent depuis déjà plus de 40 ans ! Peter n’a jamais cessé de régater à bord depuis!
53 Cowes Week et 17 Voiles de Saint-Tropez ! Dainty avait gagné la semaine de Cowes en 1923 et n’a pas arrêté de régater depuis… Il a participé à 53 Cowes Week! Ce que je ne savais pas, c’est que c’est la 17e fois qu’il vient courir à Saint-Tropez! J’ai honte de ne l’avoir jamais remarqué. On regarde toujours plus les centaines de pieds de Cambria, Puritan ou Magic Carpet Cub que ces petits bijoux.
Peter navigue très régulièrement avec sa femme Sally dans le Solent et prend le départ de près de 60 régates par an. Il est vrai qu’il y a -chaque saison d’été- des régates tous les week-ends mais aussi chaque jeudi soir!
Pour les régates importantes, et particulièrement ce voyage annuel dans le midi de la France, Peter embarque deux bons équipiers: Mike Hollis et Simon Perkins. Ce sont deux vieux et un petit jeune (?). À eux trois, ils cumulent 210 ans. Ça sonne bien.
La suite à lire dans YC 94 bientôt en kiosque.